« mafi Kahraba »

«

« Il n’y a pas électricité », ce sont les premiers mots en arabe que tout étranger qui arrive au Liban apprendra, tant ils sont souvent prononcés par les Libanais. Ascenseurs bloqués, « freezers » qui dégivrent, ordinateurs ou caisses enregistreuses qui plantent, c’est tout le quotidien d’un pays depuis plusieurs années.

KAHRABA

etym : dérivé du persan Karuba qui signifie « qui attire la paille », et désigne l’ambre jaune en raison de ses propriétés électrostatiques. https://www.persee.fr/doc/mesav_0398-3587_1860_num_6_1_1035

« Mafi Kahraba » pourrait alors sembler devenir le slogan des habitants d’un pays voyant sa situation se dégrader : pauvreté et chômage massifs, institutions publiques en déshérence, État en faillite, monnaie dévaluée de plus de 95%, des déposants qui « braquent » leurs propres banques pour essayer de récupérer ce qu’il reste de leurs économies…

Et pourtant, qui arrive à l’aéroport de Beyrouth et entend prononcer pour la première fois la fameuse phrase (car il n’y a plus d’air conditionné à l’aéroport et il arrive que les ordinateurs de la police soient bloqués, comme les tapis à bagages) ne pourra manquer de remarquer que le visage de son interlocuteur manifeste un mélange de gêne et de fatalisme, mais aussi un demi sourire narquois et ironique. Comme si, finalement tombé si bas, l’avenir ne pourrait qu’être meilleur.

Ainsi, « Mafi Kahraba » est à la fois le symbole de la difficulté du présent mais aussi, arrivé à ce stade, d’une forme d’espoir dans un avenir qui pourra difficilement ne pas être meilleur. C’est parce qu’elle revêt cette double et ambigüe signification que j’ai choisi cette expression comme titre de ce blog : je voudrais essayer d’y rendre compte de ces deux versants de la situation libanaise.

Je ne prétends pas être un fin connaisseur du Liban, mais je suis détaché depuis le 1er septembre 2022 comme professeur de droit public à l’Université Saint Joseph de Beyrouth et cela constitue un très bon observatoire des enjeux contemporains du Liban, enjeux qui ont une forte composante juridique comme les articles que vous pourrez lire vous le montreront. C’est également l’endroit idéal pour percevoir les état d’esprits complexes et mélangés de la jeunesse libanaise, du moins de cette partie de la jeunesse qui n’a pas quitté le Liban pour mener des études supérieures.

Mais ne parler que de droit à propos du Liban serait aussi réducteur que rébarbatif aussi ne sera-il pas étonnant qu’entre quelques considérations sur le droit administratif, sur les élections ou sur le fonctionnement du système judiciaire, se glissent quelques postes sur ces merveilleuses églises à fresque des XIIe et XIIIe siècle des Caza de Jbeil et de Batroun, sur ces magnifiques bouteilles que la jeune génération des vignerons libanais nous fait découvrir, sur ces jardins et maisons cachés au milieu de l’urbanisme débridé de Beyrouth, sur ces photographies qui nous parlent du Liban.

Alors, droit et justice, oui, mais art de vivre libanais aussi, assurément ! En espérant que vous aurez autant de plaisir à les lire que j’en aurai à les écrire.


Quelques mots de présentation pour terminer. Je suis professeur de droit public depuis désormais « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », spécialiste des questions de droit de l’urbanisme et d’histoire du droit administratif. Détaché à Beyrouth de l’Université Paris Saclay. Je suis également directeur scientifique d’un centre de recherche en droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat, le GRIDAUH. Mais bon, nous ne sommes pas sur une page Linkedin, j’arrête donc là ces considérations de parcours professionnel.

Frédéric Rolin

Get in touch

Quickly communicate covalent niche markets for maintainable sources. Collaboratively harness resource sucking experiences whereas cost effective meta-services.